Disparités sociales des pratiques culinaires : une étude DEDIPAC
Nutr J. 2017 16(1):62
Méjean C, Si Hassen W, Gojard S, Ducrot P, Lampuré A, Brug H, Lien N, Nicolaou M, Holdsworth M, Terragni L, Hercberg S, Castetbon K.
Le rôle spécifique des indicateurs socio-économiques majeurs sur les pratiques culinaires pourrait mettre en évidence des profils socio-économiques distincts, permettant de comprendre les mécanismes amenant aux inégalités sociales de santé. Cette étude a investigué s’il existait une association indépendante avec les pratiques culinaires pour chacun des indicateurs socio-économiques (éducation, profession, revenus).
Un ensemble de 62373 adultes participant à l'étude de cohorte NutriNet-Santé basée sur internet ont été inclus dans nos analyses transversales. Les compétences en cuisine, l’utilisation d’aliments bruts et l’équipement de cuisine ont été évalués par des scores compris entre 0 et 10 points ; la fréquence de préparation des repas, le plaisir de cuisiner et la volonté à cuisiner mieux ou plus fréquemment sont des variables catégorielles. Les associations indépendantes entre les facteurs socio-économiques (éducation, revenus et profession) et les comportements de préparation des aliments ont été estimées par analyse de covariance et des modèles de régression logistique stratifiés sur le sexe. Les modèles incluaient simultanément les trois indicateurs socio-économiques, et été ajustés sur l’âge et la composition du foyer et sur le fait que le sujet était ou non le principal cuisinier du foyer.
Les participants avec le plus faible niveau d’éducation, ceux ayant les revenus les plus faibles, les ouvrières et les employées consacraient plus de temps par jour à la préparation des repas que ceux ayant le niveau d’éducation le plus élevé, ceux avec les revenus les plus élevés et les cadres (P ˂ 0,0001). Les individus avec le plus faible niveau d’éducation avaient plus de risque de ne pas cuisiner que ceux avec le niveau d’éducation le plus élevé (femmes : OR = 3,36 (1,69-6,69) ; hommes : OR = 1,83 (1,07-3,16)) tandis que les ouvrières et les employées et les personnes n’ayant jamais travaillé avaient moins de risque de ne pas cuisiner (OR = 0,52 (0,28-0,97) ; OR = 0,30 (0,11-0,77)). Les ouvrières et les employées avaient les plus faibles scores d’utilisation d’aliments bruts et avaient moins risque de vouloir cuisiner plus, comparé aux cadres (P ˂ 0,001 et P ˂ 0,001). Les femmes appartenant au groupe des revenus les plus faibles avait un score plus faible pour l’équipement de cuisine (P ˂ 0,0001) et avaient un risque plus faible d’apprécier de cuisiner des plats quotidiennement (OR = 0,68 (0,45-0,86) que celles avec les revenus les plus élevés.
Les groupes socio-économiques les plus défavorisés, en particulier les femmes, consacraient plus de temps à préparer les repas que les groupes socio-économiques les plus favorisés. Néanmoins, les ouvrières et les employées utilisaient moins d’aliments bruts et frais pour préparer les repas que les cadres. Dans un contexte défavorable en France avec une diminution du temps consacré à la préparation des plats au cours de la dernière décennie, nos résultats ont mis en évidence des disparités socio-économiques dans les pratiques culinaires chez les femmes, tandis que peu de différences ont été observées chez les hommes.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28931416